Mr.Oladipo, lui, n’a pas cette liberté. Le 28 juin, il quitte la ville d’Evreux où il habite avec sa femme et ses enfants pour aller visiter de la famille en région parisienne.
Contrôle de “routine” sans doute (oui, de “routine”, c’est le mot adéquate à l’état des lieux dans ce pays), garde à vue, centre de rétention… Mr.Oladipo est sans-papiers.
Comment imaginer la vie comme ça?
Je vais, je viens. Embouteillages ou pas, pluie ou chaleur? Gros soucis n’est-ce pas! Mais je reviens, aucune angoisse, petite ou grande, ne vient bousculer cette évidence. Tellement évident qu’il faut ces “évènements” pour se le formuler.
Mr.Oladipo, lui, n’est pas revenu.
Il a été expulsé le 15 juillet au Nigéria, seul, laissant sa femme enceinte de huit mois et ses deux enfants.
Oui, comment vivre la vie comme ça ?
Quand je suis partie, l’alerte avait commencé: pétition sur le site RESF, coups de téléphone, mails, courriers aux préfets… Évreux, Seine et Marne, Paris… notre réseau fonctionnait bien sous le soleil!
Et quand même, les arguments étaient là: deux enfants à charge dont une fillette française issue d’une première union de Mme, une grossesse quasi à terme (8 mois) et déclarée “à risque” par le gynécologue du CHU d’Évreux qui la suit. Mme travaillait jusqu’à son congé de maternité, Mr a des diplômes et des compétences…
Humanitaires, sociaux, médicaux, les arguments étaient là.
Et les soutiens prêts à remuer ciel et terre, comme à chaque fois, pour que Mr.Oladipo retrouve, normalement, les siens.
Et puis une conférence de presse était annoncée par RESF pour le 13 juillet pour dénoncer –encore une fois– ces pratiques absurdes, destructrices, injustifiées, honteuses, qui cassent les individus, font éclater les familles et attaquent de front les enfants qui, comme le disait cet actuel Président dans sa lettre aux enseignants de septembre 2007 en parlant de “nos” enfants: “Ces esprits et ces sensibilités qui ne sont pas encore complètement formés, qui n’ont pas atteint leur maturité, qui se cherchent, qui sont encore fragiles, vulnérables.”
Tout est dans l'adjectif possessif, “nos”!
Mais je suis partie, ça allait peut-être s’arranger pour Mr.Oladipo.
Et je suis revenue.
Le monceau de mails m’apprit les appels multiples tous azimuts, préfets, ministères, Élysée même pendant la garden-partie… et pour finir l’expulsion au petit matin du 15 juillet.
Ils savent tous et toutes.
Maintenant, il va falloir faire revenir Mr.Oladipo. C’est possible, en tout cas on veut le croire.
Et continuer la veille pour tous ceux/celles qui ne peuvent toujours pas aller et venir banalement, librement.
Bientôt, début août, le bébé va naître… bienvenue au Monde.
• Huguette Cordelier, encore libre , militante RESF • - Libéblog A l'école des sans-papiers