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5 mars 2011 6 05 /03 /mars /2011 16:10

04 Mars 2011 

Etrangers en demande de titre de séjour et employés chargés de les recevoir à la préfecture de Seine Saint Denis ont résisté "à la tunisienne" à la mainmise des forces de l'ordre sur la démarche administrative. Récit de la fin prématurée d'une expérience préfectorale de gestion de l'invasion.

 Nous avons raconté la mise en scène hallucinante de la police pour trier les étrangers jugés dignes d'accéder au service des étrangers de la préfecture de Bobigny. Selon les policiers sur place, il s'agissait de "participer à une expérience".

 Lundi, mardi, mercredi, même scénario, même abattement des refusés au tri, même frustration des employés de la préfecture, contraints d'obéir au chef des flics.

Mais jeudi, la manipulation a rencontré sa limite: le refus tranquille de l'humiliation des uns et des autres. Témoignages recueillis vendredi matin.

 "Hier je suis arrivée au travail comme d'habitude à 9 heures. Comme les jours précédents, la police a fait former les quatre files indiennes et les tables ont été installées. Il y avait moins de flics que la veille - quatre ou cinq - en plus des huit affectés aux tables. Tout s'est passé comme la veille, le colonel a fait son speech et les policiers se sont approchés pour faire sortir les REFUSES AU TRI.

A ce moment-là, en silence, ils se sont tous assis au milieu de la salle. Les flics se sont approchés et un type s'est mis debout et a expliqué, d'une voix faite pour être entendue de tous, mais sans hurler, ce qui se passait : « Messieurs de la police, ici nous ne sommes pas en Tunisie et vous n'êtes pas au service de Ben Ali. Nous sommes venus pour nos papiers, pour qu'on nous donne un imprimé et un rendez-vous et nous ne partirons pas d'ici sans cela ! »

Des flics se sont approchés de lui, mais à ce moment-là tout le groupe s'est accroupi en regardant les flics et en grondant. Les flics ont attendu, ont téléphoné; ils sont restés un long moment et, d'un seul coup ils ont quitté la salle, sous les applaudissements de toute la foule !"

 "Et vous (les employés de la préfecture), qu'avez-vous fait ?"

Elle, toute fière : "On a fait comme eux ! Le colonel est venu nous dire de reprendre le travail, on a répondu qu'on n'obéissait pas à la police et qu'on n'avait pas d'étoile jaune !"

"Et alors ?"

Elle, de plus en plus fière : "A un moment, on s'est décidés, on a ouvert TOUS LES GUICHETS et depuis on distribue les imprimés et on donne les rendez-vous à TOUT LE MONDE !"

"Et les flics ?"

"Plus entendu parler ! Il en est juste resté une petite poignée à la porte 1."

 Au delà de ces étrangers maltraités, cette histoire donne à penser sur l'état de notre société.

- Avec un préfet à la tête du ministère de l'intérieur, chargé de l'immigration, et un super flic à la tête de la préfecture, faut-il s'étonner qu'un policier, fût-il colonel, entreprenne d'organiser le travail de l'administration?

- Notre police est moderne, et le monde entier nous envie ses méthodes, nous dit-on. Elle fait ici la preuve de son professionnalisme et de sa culture, en imaginant une stratégie inspirée du fameux épisode du Quart Livre de Rabelais (chapitre 8): "Panurge, sans en dire d'avantage, jette en pleine mer son mouton, qui criait et bêlait. Tous les autres moutons, criant et bêlant sur le même ton, commencèrent à s'élancer et à sauter en mer, à sa suite, à la file." .

- Ces personnes étrangères, précaires parmi les précaires, en danger du fait de leur manque de titre de séjour, encouragées par l'exemple du peuple tunisien, se lèvent pour faire respecter leur dignité. Ils sont rejoints dans leur refus par le personnel administratif pour mettre en échec, sans violence, ce beau scénario.

- La référence spontanée au port de l'étoile jaune comme marque humiliante, venant d'agents administratifs peu considérés et dont, bien souvent, les ascendants ne vivaient pas en France au début des années 1940, affaiblit encore un peu le tabou sur la référence à d'autres temps sombres. Et suggère que l'intégration au mythe national se fait aussi par la souffrance, quoi qu'on nous en dise.

 Vendredi 4 mars en fin de matinée, tout est redevenu comme avant. A la porte n° 1 du service des étrangers des employés de la préfecture distribuent des tickets, à la tête du client comme d'habitude – ce sont les instructions. Pas tout à fait comme avant, cependant: pas trace du moindre policier. Et, surtout, les pauvres et les méprisés se sont levés contre l'arbitraire et ils ont obtenu gain de cause... jusqu'à la prochaine offensive.

Martine et Jean-Claude Vernier

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