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Qui Sommes-Nous?

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18 janvier 2016 1 18 /01 /janvier /2016 18:42

Partis il y a quatre mois de Syrie, Dash et Kholio, deux jeunes Syriens dont « Le Monde » a suivi l’exil, se trouvent désormais dans le sud de l’Allemagne, à Bad Boll. Une station thermale où la ville a mis à leur disposition une petite maison.

Peut-être devrait-elle planter quelques pommes de terre. Assise sur le rebord de la fenêtre, Dash regarde le jardin, une cigarette à la main. Vu le temps qu’elle passe ici, elle pourrait même les voir pousser en temps réel. La jeune Syrienne de 24 ans s’ennuie. Sa vie est désormais en friche, dans le sud de l’Allemagne ; à Bad Boll dans le land du Bade-Wurtemberg. Destination finale d’un périple entamé à Damas, en septembre 2015, avec son beau-frère, Kholio.

Ensemble, ils sont passés par Beyrouth et Izmir, ils ont traversé la mer Egée sur une embarcation de fortune, connu les camps de migrants sous le soleil de Lesbos et le froid de la Macédoine. « On a vu le pire de chaque pays », résume-t-elle. Puis est arrivée Vienne. La belle Vienne où ils prendront leur dernier train vers l’Allemagne. Là-bas les attend Nash, le frère de Dash inscrit dans une université non loin de Stuttgart. Lui l'étudiant étranger, eux les réfugiés. Cette différence de statut leur impose une nouvelle séparation, car les autorités envoient les deux jeunes exilés rejoindre un camp, à Mannheim. « L’enfer », pour Dash et Kholio.

Voir aussi : Le voyage d’une migrante syrienne à travers son fil WhatsApp

Alors le soulagement fut grand quand on leur a donné la clef de cette petite maison en face de la station essence de Bad Boll. Depuis près de deux mois, ils y ont une chambre rien qu’à eux et partagent le reste du logement avec Walid et Ruba, un couple de jeunes dentistes syriens rencontrés dans un centre de réfugiés, à dix kilomètres de là. Perplexe, Walid tient son sachet de thé au-dessus des trois poubelles du tri sélectif. Des feuilles de thé, un morceau de carton et une agrafe pour tenir le tout. « Je le mets où d’après vous ? » « C’est presque plus facile de dire colocation en allemand », s’amuse-t-il – « Wohngemeinschaft », pour ceux qui voudraient s’y risquer. Les éclats de rire résonnent, faute de meubles, entre les quatre murs prêtés par la ville.

Lorsqu’ils sont arrivés, tout le monde ne leur a pas souhaité la bienvenue dans cette station thermale d’à peine plus de 5 000 habitants. Certains voisins ont même surélevé leurs clôtures en bois. Alors hors de question de se tromper de poubelle et de passer pour de « mauvais réfugiés ».

Rentrer en Syrie ? « Jamais »

Pour avoir la paix, Dash prétend parfois être espagnole. « Por favor. Por favor. On y croit, non ? » Elle évoque « ce qu’il s’est passé à Cologne »la vague d’agressions le soir du nouvel an, dont la majorité des suspects interpellés sont des réfugiés – et qui ne va pas les aider. Ruba sait que son voile non plus ne facilite pas les choses, mais elle n’entend pas y renoncer. C’est parfois difficile à faire comprendre à ceux qui leur tendent la main, mais calquent leurs propres angoisses sur eux. Dash acquiesce.

Des habitants de Bad Boll ont lancé une petite association pour venir en aide aux quelques dizaines de réfugiés syriens, érythréens, sri lankais ou nigérians que la bourgade a accueillis. L’une donne des cours d’allemand, une autre a organisé une pièce de théâtre pour Noël. « Ils sont gentils. Mais ils attendent qu’on soit comme ils veulent, parfois », ose Dash du bout des lèvres. Un équilibre délicat que de poser des limites sans paraître ingrat. Une chance qu’elle soit tombée sur Eva-Maria, une « marraine » pas comme les autres qui lui parle d’art plus que d’obligations légales. « Elle me pousse à être moi-même », sourit Dash, qui voudrait étudier la sculpture, une fois bouclées « toutes ces affaires de réfugiés ».

Avec les vacances de Noël, la vie administrative s’est arrêtée. Leur dossier d’asile attend, tout comme eux. A quoi ressemblent leurs journées ? « Manger. Dormir », résume Kholio. Dash se lève parfois au milieu de l’après-midi. Pour tromper le temps. Elle passe les heures restantes à discuter avec ses proches sur WhatsApp, une application de messagerie par Internet pour « smartphone ». Pendant que sa mère lui raconte la guerre en direct depuis Damas, elle observe les curistes de la station thermale, en peignoir dans leurs transats. « C’est absurde de se dire que tout ça se passe en même temps. »

Lire aussi le reportage : A Izmir, dernières heures avant la traversée de la mer Egée

Kholio, lui, s’est fait voler son téléphone dans le camp de Mannheim et doit se contenter d’un modèle rudimentaire – un « stupid phone », comme il l’appelle – pour discuter avec Mimo, sa femme restée à Damas, qu’il espère faire venir rapidement. La sonnerie d’un portable interrompt la discussion. Un attentat vient d’avoir lieu à Istanbul. « Le kamikaze est syrien. Dix touristes allemands sont morts », annonce Dash. Kholio se prend la tête entre les mains. Chaque mauvaise nouvelle est interprétée comme un risque de durcissement de la politique migratoire allemande ; et pour Kholio, comme celui d’être séparé un peu plus longtemps de Mimo. « Si elle ne peut pas venir, je repartirai. »

Si la guerre se termine, Walid et Ruba retourneront eux aussi en Syrie, de temps en temps, « pour aider ». « C’est parce que vous n’avez pas vu Damas en 2014 », leur lance Dash, une étincelle de colère au fond des yeux. Elle, elle ne rentrera « jamais ». Une de ses amies a été torturée et a donné son nom et celui de Mimo. Elles sont désormais fichées comme « ennemies du régime » pour avoir participé à des manifestations pacifiques.

Sa nouvelle schizophrénie d’exilée

Lire l'article sur Le Monde

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Published by Fontenay - Diversité