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Qui Sommes-Nous?

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 21:24

Dans l’appartement de la famille Agalliu, des Albanais, au 4e étage d’un centre de réfugiés de Munich, la télé diffuse des dessins animés à plein volume. L’agitation des petits personnages ne parvient pourtant pas à meubler le vide de la pièce : hormis les valises dans un coin et les draps sur les lits, plus rien ne traîne. « On se prépare à partir d’ici quelques semaines », explique Aviola, la mère, 31 ans. D’un sac rempli de paperasses, elle tire un document tamponné par l’office de l’immigration allemand : « demande d’asile rejetée ».

Puis elle récite de mémoire une phrase qui l’a marquée : « Dans 99 % des cas, les demandes d’asile venant de Macédoine, de Bosnie, de Serbie, d’Albanie, du Kosovo et du Monténégro sont rejetées. » L’Allemagne a classé tous ces Etats des Balkans comme « d’origine sûre », c’est-à-dire qui respectent les libertés fondamentales. Les ressortissants de ces pays n’ont donc aucune chance de se voir accorder l’asile.

Cette mesure est destinée à verrouiller l’accès des migrants économiques à l’asile et à accélérer leurs renvois, à l’heure où le pays − qui a enregistré début décembre la millionième inscription de demande d’asile de l’année − souhaite réserver l’accueil aux réfugiés fuyant la guerre ou la répression.

Or, après les Syriens, les Albanais et les Kosovars ont été, au cours des derniers mois, les plus nombreux à y déposer une demande, selon les données de l’Office central des réfugiés.

La pression est désormais d’autant plus forte que, de plus en plus critiquée dans son pays pour sa politique de la porte ouverte, la chancelière Angela Merkel a souligné, lundi 14 décembre, la nécessité de « réduire significativement » le flot de réfugiés rejoignant l’Allemagne, tout en refusant une fermeture des frontières au nom d’un « impératif humanitaire ».

« Avec notre argent, ils construisent des hôtels de luxe »

Aviola soupire en toisant les documents : « Pourquoi nous faire remplir tout ça, si c’est pour nous renvoyer à la fin parce qu’on est des migrants économiques ? » Après avoir épuisé tous les recours, la famille albanaise a signé pour un retour volontaire. Comme elle, toutes les familles originaires des Balkans qui sont hébergées dans le centre, ont vu leur demande rejetée et s’apprêtent à être renvoyées d’ici à la fin de l’année.

Lire aussi le reportage : L’Allemagne organise le retour des « mauvais migrants »

Aviola, Dhimiter et leurs trois enfants ont quitté Kraps, leur village montagneux du sud-ouest de l’Albanie, début juillet, dans l’espoir de trouver du travail en Allemagne. Et une vie meilleure. « Chez nous, comme dans de nombreux villages albanais, il n’y a pas de route, pas de réseau d’eau, pas de travail et même plus d’école pour les enfants », raconte Aviola.

Malgré ses cinq ans d’études supérieures et son diplôme de professeur de géographie, la jeune femme n’a jamais trouvé de travail. Elle a tenté de décrocher une place dans une usine textile de Fier, sa ville natale, où elle pouvait espérer gagner 100 euros par mois. En vain.

La famille ne pouvait compter que sur les 200 euros mensuels gagnés par Dhimiter, conducteur de taxi, en dessous du salaire moyen qui s’élève à 260 euros. Mais à la fin du mois, il ne restait rien pour vivre. « Tout part en taxes dans les poches du gouvernement, grince Dhimiter. Avec notre argent, ils construisent des hôtels de luxe plutôt que de rénover nos villages ou de nous donner une bonne protection sociale. »

« On déconseillera à nos amis de migrer en Allemagne »

A son arrivée au pouvoir en 2013, le premier ministre socialiste Edi Rama s’était engagé à lutter contre la corruption et la criminalité, à engager des réformes dans tous les secteurs pour moderniser le pays et à accélérer son adhésion à l’UE – le pays a obtenu le statut de candidat en juin 2014. Les Agalliu ne lui donneront plus jamais leur vote. « Ce n’est peut-être plus la dictature d’Enver Hoxha [le dirigeant de la République socialiste d’Albanie de 1945 à 1985], mais parfois on se demande si on a vraiment avancé. »

Plusieurs milliers de manifestants de l’opposition ont battu le pavé, le 8 décembre, pour réclamer la démission du gouvernement d’Edi Rama, accusé de corruption. « La défiance des Albanais à l’égard de leurs représentants » est l’une des principales raisons de leur exil « au même titre que la corruption, le chômage [qui touche 17,7 % de la population active, et monte à 30 % dans certaines régions] et la pauvreté », estime l’analyste politique albanais Aleksander Cipa.

Les efforts rhétoriques de Tirana visant à décourager les départs et les annonces des autorités allemandes martelant dans les médias albanais qu’il n’y aurait « pas d’asile économique en Allemagne », n’avaient pas suffi à dissuader les Agalliu de partir. Mais désormais, les mesures prises par l’Allemagne commencent à freiner les départs, constate Aleksander Cipa.

En visite à Tirana début novembre, le ministre de l’intérieur allemand Thomas de Maizière avait annoncé qu’il allait renvoyer de façon accélérée tous les demandeurs d’asile albanais, soit environ 50 000 personnes.

Lire aussi l'analyse : En Allemagne, accord de la coalition sur les modalités d’accueil des réfugiés

A quelques jours de leur départ, la désillusion des Agalliu est grande. A Kraps, ils retourneront vivre dans la maison des parents de Dhimiter, avec le reste de la famille. Ils devront aussi rembourser le prix du voyage : 1 000 euros. Retenteront-ils leur chance un jour ? « Jamais de la vie. Et que Merkel se rassure, on déconseillera à nos amis d’essayer », lâche Aviola, amère. Elle se raccroche encore à l’espoir que les prochaines élections en Albanie, prévues en 2016, portent une nouvelle génération « non corrompue » au pouvoir.

« Si on n’avait pas été Roms, on n’aurait jamais eu à fuir »

Un étage au-dessus de la famille Agalliu vivent les Demirov [les noms et prénoms ont été modifiés], des Roms de Macédoine. Eux ne sont pas venus pour des raisons économiques. Ils avaient tout dans leur pays : un travail chacun − lui taxi, elle couturière −, une maison, une famille. « Une bonne vie », dit Mert, le père, 40 ans. En prononçant cette phrase, les larmes lui montent aux yeux. Son épouse, Selma, détourne la tête pudiquement. « Si on n’avait pas été Roms, on n’aurait jamais eu à fuir », résume Mert.

Leur vie a basculé le jour où le fils d’un officier de police de leur commune a tabassé le père de Mert jusqu’à le laisser inconscient, alors que ce dernier jouait de la musique dans la rue. « Sans raison. Simplement parce qu’il était Rom », rapporte Mert. Les agressions de ce genre contre sa communauté sont courantes en Macédoine, assure-t-il. « On est pris comme boucs émissaires, ça ne choque personne. »

La plainte déposée par Mert après l’agression n’a eu aucun effet. Au contraire, raconte-t-il : un soir où il effectuait une course en taxi, le fils du policier et un autre homme sont venus chez lui et ont violé sa femme Selma en représailles. C’était en juillet 2011, le 12 exactement, Mert s’en souviendra toujours.

Si ce crime n’a pas pu être prouvé faute d’enquête, il fait écho à plusieurs cas de violences sur les Roms de Macédoine, notamment de la part des autorités de police, recensés dans le dernier rapport du Forum européen des Roms et des gens du voyage (ERTF) − une ONG européenne soutenue par le Conseil de l’Europe −, qui souligne :

« Besoin de protection avéré »

Lire l'article sur Le Monde

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Published by Fontenay - Diversité