MONTREUIL (AFP) — "La voisine du 2 nous a donné ses clefs, celle du 6 nous a fait des courses, une autre nous a apporté du couscous": depuis le 22 mai, les sans-papiers en grève à Montreuil sont couvés par le voisinage, qui s'emploie à leur "remonter le moral".
En ouvrant le garage de l'habitante qui lui a accordé sa confiance, pour brancher un cable électrique, Abdoulaye Traore, 32 ans, porte-parole des Maliens en grève, poursuit: "au 8, la dame nous a invités à son anniversaire. Au 12 et 13, les gens sont adorables: toute la rue est prête à nous aider".
Il y a quelques mois pourtant, les habitants de la rue des Batteries, une petite impasse pavillonnaire perdue dans le Haut-Montreuil, ne connaissaient pas leurs voisins du 3 bis, ouvriers chez Griallet, petite entreprise de démolition de 26 salariés, nouvelle dans le quartier.
Le 22 mai, 21 ouvriers, 19 sans-papiers et 2 collègues solidaires, décident d'occuper jour et nuit le pavillon qui sert de siège à l'entreprise.
La veille, le patron a suspendu les contrats de tous les sans-papiers: une réponse à la mise en demeure adressée fin avril par la CGT qui sollicitait la régularisation de tous les salariés en situation irrégulière. Jean-Luc Griallet affirme qu'il n'était pas au courant de leur situation.
Dans son courrier, le syndicat réclamait aussi le paiement d'heures supplémentaires et congés et accusait l'employeur d'avoir exposé au plomb et à l'amiante ses ouvriers pendant des années. "Il leur disait: +si tu crèves, il y a d'autres noirs aux foyers+", raconte Jocelin Loubli, 55 ans, Français, en grève depuis 107 jours.
"Dès le début on s'est tous senti concerné par leur situation, la solidarité a marché à fond", observe Patricia Gudin, une habitante. "Je leur dis souvent pour leur remonter le moral qu'ils sont tombés dans une rue où il n'y a pas eu besoin de mobiliser les troupes", poursuit cette femme énergique de 42 ans dont le pavillon fait face à celui du "patron voyou". "Ils savent que ma maison leur est ouverte", ajoute-t-elle.
Prévenants, "polis", les sans-papiers veillent à ne pas trop perturber la vie du quartier. "M. Griallet, lui, se garait devant notre garage et n'était pas très aimable", se souvient Mme Gudin. "Ils nous aident à décharger les courses et sont sympathiques, alors on est sympa avec eux", renchérit Jonathan Laroque, un voisin.
"Les Griallet" sont soutenus par la municipalité (dirigée par Dominique Voynet, Verts), qui leur a installé d'emblée toilettes et eau. Depuis mercredi, la ville a fait dresser deux tentes sur le trottoir pour les sans-papiers sommés par la justice d'évacuer le pavillon.
Jusqu'au 11 août, la ville a aussi fait livrer par un traiteur des repas deux fois par jour: 38.000 euros sur lesquels la ville, "dépassée par la longueur du conflit", ne veut pas polémiquer, explique un élu, Claude Reznik. Depuis, précise-t-il, la solidarité a pris une autre forme: ce sont les foyers maliens de Montreuil qui nourrissent les grévistes.
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