Recueillis vendredi soir en Calabre, les clandestins qui dérivaient à bord de l'«Ezadeem» seraient d'origine syrienne.
Sur le papier, il était prévu que les conditions météo hivernales et surtout la fin de la mission italienne «Mare Nostrum» de sauvetage au large dissuadent les migrants de tenter la traversée de la Méditerranée. L’Italie vient pourtant d’être, au cours des derniers jours, le théâtre de plusieurs débarquements d’envergure qui semblent révéler de nouveaux modes opératoires des trafiquants et les limites de la politique migratoire européenne.
Vendredi soir, vers 23 heures, le cargo Ezadeen a ainsi débarqué à Corigliano sur les côtes de Calabre au terme d’une intervention en urgence de la marine militaire italienne. A son bord, quelque 360 migrants — 232 hommes, 54 femmes et 74 mineurs —, tous en bonne santé. Ils ont été transportés dans des centres d’accueil où ils ont rejoint des centaines d’autres arrivés en moins de deux semaines dans les mêmes conditions. Au total, ce sont près de 2000 personnes, hommes, femmes et enfants, en majorité originaires de Syrie, ont débarqué sur les côtes itlaienns depuis le 20 décembre
Repéré jeudi soir à environ 150 kilomètres de Crotone, le bateau de 73 mètres de long, immatriculé en Sierra Leone, était à la dérive. Contactée par radio, une femme qui se trouvait à bord a indiqué que l’embarcation avait été abandonnée par son équipage. «Nous sommes seuls, il n’y a personne, aidez-nous», aurait-elle lancé selon le commandant de frégate Filippo Marini. Alertés, les garde-côtes italiens ont déposé par hélicoptère six hommes sur le pont de l’Ezadeen pour reprendre les commandes du bateau tandis qu’un navire islandais déployé dans le cadre du dispositif européen «Triton» a escorté l’embarcation.
Cet épisode inquiète sérieusement les autorités maritimes. Car il intervient après deux autres situations similaires survenues depuis le 20 décembre. Mardi, c’est un autre cargo qui s’était trouvé dans une situation identique, abandonné par son équipage et avec le moteur bloqué. Le Blue Sky M, avec à son bord près de 800 migrants, se dirigeait tout droit vers les côtes des Pouilles lorsque les militaires italiens sont intervenus, là encore par hélicoptère, pour prendre possession du navire. Sans cette opération, le bateau qui avançait à grande vitesse risquait de se fracasser sur les rochers. L’amiral Giovanni Pettorini évoque un nouveau modus operandi des passeurs pour faire arriver les clandestins en Italie : «Les trafiquants récupèrent des navires marchands en fin de cycle pour 100 000 à 150 000 dollars [de 80 000 à 125 000 euros, ndlr], puis ils les remplissent de migrants, principalement de nationalité syrienne, lesquels vont jusqu’à payer 6 000 dollars pour la traversée depuis la Turquie jusqu’en Europe. Les trafiquants n’ont aucun scrupule à abandonner le navire, vu le gain qu’ils réalisent en entassant des centaines de personnes à bord.»
«Transit». L’Ezadeen serait parti du port de Tartous en Syrie, puis aurait fait escale à Chypre. Sa destination officielle était le port de Sète. Quant au Blue Sky M, il serait parti de Turquie et faisait officiellement route vers Rijeka en Croatie. Au large de Corfou, un premier SOS est lancé avec l’hypothèse d’un détournement de l’embarcation par des hommes en armes. Selon les responsables maritimes grecs, un hélicoptère et une vedette auraient alors été dépêchés sur place. Mais ne détectant «aucun problème mécanique et rien de suspect sur le bateau», les autorités d’Athènes auraient laissé le Blue Sky M poursuivre sa route. C’est alors que le cargo aurait soudainement viré de bord et fait cap, à grande vitesse, vers l’Italie. C’est uniquement à 9 milles des côtes des Pouilles que les garde-côtes transalpins sont parvenus à reprendre le contrôle du bateau qui aurait été déserté par les membres de l’équipage, lesquels avaient bloqué le moteur «à une vitesse d’environ 10 nœuds», selon l’amiral Pettorino. Celui-ci dénonce «le gravissime problème que posent ces navires à la dérive en Méditerranée pour les autres bateaux en transit». Après le débarquement de tous les migrants, les policiers italiens ont placé sous enquête quatre personnes pour vérifier s’ils ne figurent pas parmi les trafiquants.
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