La députée frontiste affirme que le rapport de la Cour des comptes met en cause une directive européenne de 2014 sur les travailleurs détachés. Elle a lu trop vite.
INTOX. Au FN, tout est bon pour torpiller l’Europe, ses fonctionnaires, et ses directives. Y compris les lectures biaisées des rapports officiels. Marion Maréchal-Le Pen a ainsi profité de la publication du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale (et plus précisément de sa partie consacrée aux fraudes) pour remettre une couche sur une idée fixe du parti d’extrême droite : les méfaits de la directive européenne sur les travailleurs détachés, et le toilettage dont elle a été l’objet en avril dernier.
Dans une question écrite datée du 17 septembre, la jeune députée livre une synthèse du rapport :
«L’étude met en exergue de nouvelles formes de fraudes consécutives à la mondialisation, aux transactions dématérialisées et au marché unique européen au nom duquel il est imposé une harmonisation et un nivellement par le bas de notre modèle social. Ainsi, le statut des travailleurs détachés, promulgué par la directive européenne 96/71/CE adoptée le 16 avril 2014, est l’une des premières préoccupations mentionnées par le rapport. Dans notre pays, le nombre officiel de travailleurs détachés est passé de 7 500 à 210 000 de 2000 à 2013.»
Et de conclure, en s’appuyant sur l’autorité de la Cour des comptes, à l’impérieuse nécessité d' «abroger la directive des travailleurs détachés et d’instaurer dans les plus brefs délais une taxe compensatoire antidumping social, correspondant à la différence entre les charges sociales payées dans le pays d’origine du travailleur détaché et celles qu’il aurait dû payer en France».
DESINTOX. Maintenant, allons vérifier dans ledit rapport. On y trouve effectivement un chapitre consacré aux difficultés créées par le statut de travailleur détaché. La Cour des comptes estime effectivement que le cadre européen en la matière, doublée des disparités européennes en matière de normes sociales, a contribué à «renouveler» les formes de fraudes sociales. La Cour suggère également que ces fraudes ont pu contribuer à l’explosion du nombre de travailleurs détachés en France. En revanche, s’il est bien fait référence à la directive d’avril dernier évoquée par Marion Maréchal Le Pen, ce n’est pas pour lui imputer la responsabilité de la situation, comme le transcrit la députée, mais au contraire pour noter qu’elle peut permettre d’améliorer la situation.
Voilà ce qui est écrit précisément dans le rapport, après un long passage consacré aux fraudes existantes : «Après l’accord trouvé entre la Commission, le Conseil et le Parlement européens puis son adoption par ce dernier en avril 2014, la directive relative à l’exécution de la directive européenne de 1996, qui définit le droit communautaire en la matière, pourrait permettre d’améliorer en partie cette situation, principalement, dans le cas de notre pays, en renforçant la coopération administrative entre Etats.»
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