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5 septembre 2008 5 05 /09 /septembre /2008 20:56

Par Carine Fouteau 

Brice Hortefeux attend de la « discrétion » de la part des associations qui seront autorisées à entrer dans les centres de rétention administrative (CRA) à partir du 1er janvier 2009.
Le coup est rude pour la Cimade, mais pas seulement. Seule organisation présente dans ces lieux où sont enfermés les sans-papiers en instance d’expulsion, elle apporte depuis vingt-cinq ans une aide juridique aux « retenus » afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits.

Ses relations avec le ministère de l’immigration n’ayant cessé de se détériorer, elle sait qu’elle risque de devoir partager sa mission avec d’autres structures, dont certaines sont réputées plus conciliantes à l’égard de la politique menée par Brice Hortefeux. Mais elle ne s’attendait pas aux nouvelles instructions contenues dans le cahier des charges qui vient d’être rendu public.

La convention triennale la liant à l’État arrivant à échéance en décembre, le ministère en profite pour changer la donne. Publié le 2 septembre 2008 au bulletin officiel des annonces de marchés publics, l’appel d’offre « relatif au marché pour l’information, en vue de l’exercice de leurs droits, des étrangers maintenus dans les centres de rétention administrative » détaille la réorganisation de la présence associative. Le « marché » est ouvert à toutes les personnes morales : les associations, mais aussi les sociétés privées et les structures parapubliques peuvent se porter candidates.

La France est divisée en huit zones territoriales, chacune comprenant trois à cinq centres de rétention. La vue d’ensemble dont disposait la Cimade pour évaluer la politique engagée par le gouvernement dans les centres de rétention vole en éclat. Huit « personnes morales » différentes pourront, de fait, remplir la mission jusqu’alors confiée à la Cimade, ce qui suppose des pratiques variées, et pas forcément coordonnées, d’un centre à l’autre. L’idée d’un tandem, par exemple avec le Secours catholique, semble tomber à l’eau puisqu’une seule structure pourra postuler pour un « lot ».

Un droit de regard de l’État

Voilà pour la forme. Sur le fond, l’État exige un droit de regard sur les informations rassemblées par le « prestataire », mais aussi de la « discrétion » et de la « neutralité ». Pour espérer être retenu, celui-ci doit en effet « s’engager (...) à faire preuve de discrétion et à ne pas divulguer, en sa qualité de prestataire de l’État, des faits ou des informations sur les situations individuelles qu’il aura à connaître ». Il s’engage également « à respecter une stricte neutralité au regard des situations individuelles rencontrées ». En cas de non-respect de ces clauses, « l’administration peut résilier le marché sans indemnité ». Par ailleurs, l’association devra « rendre compte à l’administration, représentée par le préfet, de la réalisation des prestations (...) selon une périodicité trimestrielle ».

Ces documents ne pourront pas être communiqués « dans le cadre des rapports et communications propres à la personne morale ». C’est là tout un pan du travail réalisé chaque année par la Cimade qui s’effondre, puisque l’association s’efforçait dans un rapport annuel de rendre publics à la fois des témoignages individuels et des considérations générales. C’est aussi une manière, pour l’État, d’éviter la publication de documents embarrassants, comme cela avait été le cas après l’incendie des CRA de Vincennes en juin. Cet événement semble d’ailleurs avoir hanté le rédacteur de l’appel d’offre puisqu’il précise que « le marché peut être résilié avec indemnité dans le cas où les CRA d’un lot ne serait plus en mesure d’accueillir des étrangers ».

Cet appel d’offre inquiète à la Cimade. « Les intervenants risquent de devenir des auxiliaires du ministère de l’immigration : non seulement notre activité sera étroitement surveillée, mais en plus on peut s’interroger sur le type d’informations que nous aurons le droit de faire passer aux retenus : est-ce que ce sera l’information juridique que l’on avait l’habitude de donner ou est-ce que cela se résumera à des instructions revues et corrigées par le gouvernement ? », s’interroge l’un d’entre eux.

La Cimade, à laquelle l’État verse chaque année 3,88 millions d’euros, fait les frais de sa position critique à l’égard de la politique d’immigration du gouvernement. En multipliant les interlocuteurs, Brice Hortefeux la sanctionne. Il mise aussi sur d’éventuels désaccords entre les associations qui, pour l’instant, n’ont pas trouvé de réponse commune.

Dans la région lyonnaise, Forum réfugiés, souvent citée en « exemple » des « associations raisonnables » par Brice Hortefeux, devrait d’ailleurs répondre à l’appel d’offre, selon son directeur Olivier Brachet. « Les relations entre la Cimade et le ministère ne sont pas au beau fixe. Cet espèce de monopole qu’avait cette association, il n’a plus lieu d’être. Plutôt qu’une parole confisquée, il y aura une diversité d’expression », estime-t-il, tout en reconnaissant qu’il est « un peu désagréable » de devoir en référer au préfet. « Mais, après tout, ajoute-t-il, le maître d’ouvrage est propriétaire de sa commande, il n’est pas anormal que l’État ait son mot à dire ».

Plus prudentes, la Croix-Rouge et France terre d’asile (FTDA) affirment ne pas vouloir « entrer en concurrence avec la Cimade ». De fait, la division fait le jeu du ministère de l’immigration qui cherche à départager les associations en fonction de leur degré de coopération. Depuis que les CRA de Vincennes ont été réduit en cendre, les relations avec la plupart d’entre elles sont exécrables.

La Cimade n’est pas la seule à être dans le collimateur. Le réseau Éducation sans frontières (RESF) n’est pas non plus en odeur de sainteté. Quant à SOS soutien aux sans-papiers, Brice Hortefeux a engagé des poursuites, accusant ses militants d’avoir incité à la révolte les étrangers retenus dans le CRA du Mensil-Amelot, en Seine-et-Marne, début août.

Reste à savoir quelle stratégie va adopter la Cimade. Car l’une des conséquences de ce démantèlement pourrait être son désengagement total. Et les sans-papiers seraient les premiers à en subir les conséquences.

mediapart.fr

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